Emission France 2: L'alcool, un tabou français

Sur les bouteilles, « l’alcool est mauvais pour la santé » serait le vrai message de santé publique

 

Crédits: par Alexandre Abellan in Vitisphère

 

Sur un plateau télé où le French Paradox a été tourné en fake news, Agnès Buzyn a défendu un durcissement des politiques sanitaires pour informer les consommateurs, sans souhaiter interdire la consommation de vin.

 

« La société française a une forte ambivalence face à la consommation de l’alcool » expose Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, ce 7 février en seconde partie de soirée lors d’un débat sur France 2 (L’alcool, tabou français ?). Après un film et des témoignages sur le développement de l’alcoolo-dépendance féminine, la ministre a dénonce un déséquilibre national: d’une part « un discours sanitaire qui est que l’alcool est mauvais pour la santé », de l’autre « un discours culturel qui en fait une spécificité française ». « Une culture du bon vin » glisse le présentateur Julian Bugier, qui place et maintient le débat sur le terrain viticole.

« On aime tous à un moment partager un verre de vin » reconnaît Agnès Buzyn, qui ne prône pas l’interdiction de la consommation. Pour la femme-médecin, « la réalité, c’est que l’alcool n’est pas bon pour la santé dès le premier verre, et que c’est proportionnel. Chacun aimerait dire qu’en dessous de tel seuil vous ne risquez rien. » Pour la femme politique, la mention « à consommer avec modération » des étiquettes est caduque : « aujourd’hui, le vrai message de santé publique serait : l’alcool est mauvais pour la santé. [Consommer avec modération] est un message ancien, ce qui ne veut pas dire que l’on ne reviendra pas dessus. »

 

« Il y a zéro différence »

Alors que la question européenne de l’étiquetage des données nutritionnelles et sanitaires donne des sueurs froides à de nombreux représentants du vignoble, la ministre prône donc une position intransigeante. Agnès Buzyn regrette d’ailleurs que « l’industrie du vin laisse croire aujourd’hui que le vin est différent des autres alcools. En termes de santé publique, c’est exactement la même chose de boire du vin, de la bière, de la vodka ou du whisky. On laisse penser à la population française que le vin est protecteur, qu’il apporterait des bienfaits que n’apporteraient pas les autres alcools. C’est faux. Scientifiquement, le vin est un alcool comme un autre. »

 

Emission France 2: L'alcool, un tabou français

En décor de plateau, les bouteilles et verres de vin illustraient les déclarations de la ministre de la Santé (aux côtés de William Lowenstein). – crédit photo : France Télévisions

 

Si la tournure des débats est globalement restée à charge pour la filière viticole, des participants ont tenté de défendre ses principes de consommation raisonnable. « Bien évidemment que l’alcoolisme est une catastrophe. Mais à côté de ça, le vin fait aussi partie du patrimoine de la France » essaie de placer le journaliste Olivier Poels (Europe 1 et Revue du Vin de France). S’appuyant sur les études de cancérologues partisans du French paradox il avance que « dans certaines quantités il n’y a pas de problème à consommer du vin. Cela peut même se révéler bénéfique. »

 

Fake news

« La fake news chronique n’est plus recevable » a bondi William Lowenstein, le président de l’association SOS Addictions. Comparant l’influence du lobby français de l’alcool à celui américain des armes, l’addictologue demande l’affichage d’une information raisonnable sur les risques. « Si on veut boire du vin, on peut le faire. Ce qui compte c’est une information claire et que chacun fasse ses choix selon sa santé » renchérit Agnès Buzyn. S’appuyant sur un chiffre : si une femme boit un verre de vin par jour, elle augmenterait son risque de cancer du sein de 10 %.

« Je représente des entreprises qui n’acceptent pas le mauvais usage de leurs produits et qui investissent dans la prévention » essaie d’expliquer Alexis Capitant, le président de l’association Avec Modération. Reconnaissant que la consommation de boissons alcoolisées n’est pas anodine, il donne son appui aux réglementations sur leur communication, mais appelle à la révolution de la prévention promise par le président de la République lors de sa campagne.

 

« Travaillons ensemble »

« Dans ce pays, si l’on se met à cibler l’usage d’alcool, on a forcément toute la viticulture et l’économie dans la rue. Il y a une voie consensus en France si l’on se met tous d’accord pour travailler contre l’abus. Travaillons ensemble » lance Alexis Capitant. À voir si l’annonce présidentielle de permettre à la filière vin de débattre avec les ministères de l’Agriculture et de la Santé permettra d’orienter les politiques vers le consensus et non l’affrontement.

Cliquer ici pour revoir ce débat, dont la partie sur le vin aura duré moins de vingt minutes (à partir de la quarante-cinquième minute).