Les sulfites contenus dans le vin sont-ils les seuls responsables de votre gueule de bois?

 

Par Fabrizio Bucella in The Huffington Post

 

Voilà une questions bien lancinante. Qui n’a jamais eu une céphalée après un seul verre de vin? Les sulfites seraient responsables de ces migraines terribles.

 

Voilà une questions bien lancinante. Qui n’a jamais eu une céphalée après un seul verre de vin? Les sulfites seraient responsables de ces migraines terribles. Les étiquettes sont pourvues de l’avertissement: « Ce vin contient des sulfites. » Le coupable est tout désigné. La mode des vins sans soufre en atteste. Producteurs et consommateurs souhaitent des vins plus sains. État de la question.

 

 
1. À quoi servent les sulfites dans le vin?

Les sulfites sont les gardiens du temple de la qualité du vin. Ils agissent à deux niveaux. Premièrement, les sulfites protègent le vin contre les effets de l’oxydation. Deuxièmement, ils ont un effet antibactérien. Jamie Goode, dans son ouvrage Wine Science, les définit comme des « substances magiques » car leurs effets se font sentir à très faibles concentrations, pour fixer les idées, aux environs des 150 mg/l (éditions Mitchell Beazley, 2014 pour la 2ème édition).

 

 

2. Quelle protection contre l’oxydation?

Le protection contre l’oxydation est assez complexe d’un point de vue chimique. On signalera que les sulfites peuvent protéger le moût contre les oxydases, enzymes dont la teneur augmente quand la vendange est abîmée. Ensuite, les sulfites possèdent une action chimique. Ils se combinent notamment avec l’éthanal ou acétaldéhyde, molécule responsable de l’odeur de pomme cuite ou de pomme au four (que les spécialistes codent comme arôme d’une oxydation prématurée du vin). Lorsqu’il est combiné au SO2, l’éthanal est inodore, ce qui permet d’éviter la déviation aromatique.

 

 
3. Quand sont utilisés les sulfites dans le vin?

Les sulfites sont utilisés lors de trois étapes clés de la vinification, principalement lorsqu’il y a un risque d’oxydation ou de développement bactérien. Ces étapes sont (1) le foulage des raisins ; (2) la fin de la fermentation alcoolique, ou malolactique si elle a lieu et (3) la mise en bouteille. À chacune de celles-ci, les oenologues conseillent d’utiliser une dose certaine de SO2.

 

 
4. Effets sur la santé

Régulièrement, les sulfites sont accusés de tous les maux. Serait-ce parce que les étiquettes portent, depuis 2005, la mention « Contient des sulfites »? S’agissant du seul produit oenologique dont la mention est obligatoire, le pas est vite franchi. La littérature scientifique mentionne des allergies respiratoires et en partie cutanées: rhinorrhée, éternuements, démangeaisons, urticaire, douleurs abdominales, asthme.

 

 

5. Céphalées

Plusieurs études semblent accréditer l’idée que le vin puisse être un facteur déclenchant de maux de tête. Dans une revue de la littérature scientifique, le vin rouge, qui contient moins de sulfites que le vin blanc, est noté comme un de ces facteurs. L’auteur de l’étude souligne que seulement 10 % des patients indiquent le vin comme cause de leur souffrance. Les sulfites pourraient déclencher des céphalées en relâchant de l’histamine, lors de périodes de sensibilité accrue à cette substance. Cependant, les fruits secs, par exemple, peuvent contenir jusqu’à dix fois plus de sulfites que le vin. [Alcohol and migraine: trigger factor, consumption, mechanisms. A review. Alessandro Panconesi. J Headache Pain (2008).

 

 

6. Doses de sulfites

La réglementation dans l’Union Européenne permet l’utilisation de sulfites dans les proportions suivantes: 160 mg/l sur les vins rouges secs et jusqu’à 300 mg/l sur les vins blanc liquoreux et même 400 mg/l sur les vins blancs botrytisés, comme le sauternes (réduction de ces doses pour les vins biologiques de 50 mg/l sur les vins secs et de 30 mg/l sur les autres vins). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise comme absorption maximale journalière 0,7 mg de SO2 par kilogramme de masse corporelle. Cela donne, pour un homme de 70 kg, 49 mg. Avec une demi-bouteille de vin contenant 150 mg/l de SO2, on absorberait 56 mg de SO2, soit un dépassement de 14 % de la norme OMS.

 

 

7. Vins sans soufre

Que ce soit afin de proposer des vins « sans intrants » ou des vins plus « naturels », les vins sans sulfites font florès. Il est à noter que les levures produisent du SO2 lors de la fermentation, dans des proportions variant entre 5 et 15 mg/l. L’étiquetage des sulfites n’est plus obligatoires sous les 10 mg/l. Les vins sans SO2 (ou sans SO2 ajouté) peuvent être vinifiés par la méthode de macération carbonique à froid. S’agissant d’une méthode traditionnelle beaujolaise, il est logique que certains vignerons emblématiques de la tendance soient issus de cette région: Marcel Lapierre, Jean Foillard ou Georges Descombes. Jamie Goode, dans l’ouvrage déjà cité, indique que le problème de ces vins est la conservation, qui doit être réalisée à très basse température, sous les 57°F (14°C), à peine d’altérer le produit.

 

Retrouvez Fabrizio Bucella dans la Revue du Vin de France et à l’école d’oenologie Inter Wine & Dine (IWD).